n°43-44 – 2012 – 07

Quelles réponses (euro-)syndicales à la modération salariale ?

Anne Dufresne

La modération salariale, dynamique centrale dans le processus de la mondialisation, s’est installée comme nouvelle norme dans toute l’Europe, au cours de ces dernières décennies. Le salaire est devenu une variable d’ajustement de l’Union économique et monétaire. Cet article traite dans un premier temps des objectifs économiques invoqués (compétitivité, stabilité monétaire) pour imposer cette modération des salaires au travers de politiques nationales de plus en plus dirigées par les organes dirigeants de l’UE. Puis, il interroge les stratégies déployées par les organisations syndicales européennes (coordination des négociations collectives, salaire minimum européen), touchées au coeur depuis le Traité de Maastricht jusqu’à la récente gouvernance économique européenne.

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n°43-44 – 2012 – 06

La société civile transnationale adopte les dalits (Inde)

Les politiques aux prises avec l’« ONGisation »

Nicolas Jaoul

Depuis la fin des années 1990, la société civile transnationale s’est saisie de la question de la discrimination de castes en Inde. Comment la nouvelle « Human rights based approach » et son corolaire, « l’empowerment », promus par les institutions internationales, agissent-ils sur une cause jusque-là définie comme politique ? Cet article porte sur la façon dont le processus d’ONGisation affecte la trajectoire politique du mouvement dalit et dont un tel recadrage technocratique du discours de l’émancipation – et les financements qu’elles conditionnent – influencent son idéologie et ses pratiques. La première partie est consacrée aux étapes historiques de la transnationalisation de la question dalit, ainsi qu’aux réticences initiales auxquelles elle s’est heurtée, principalement d’ordre idéologique. A partir d’une étude de cas sur la province d’Uttar Pradesh, la seconde partie montre les usages militants qui sont faits des financements transnationaux, indiquant ainsi un phénomène de résilience du politique dans un contexte préalablement politisé. Cela s’explique à la fois par les transformations des milieux populaires (comme la féminisation du prolétariat agricole) et par la volonté politique des activistes de poursuivre un mouvement de politisation par le bas grâce aux ressources des bailleurs de fonds, ajustant ainsi de manière tactique leurs buts politiques aux normes technocratiques.

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n°43-44 – 2012 – 05

Construire l’après-libéralisme sous l’ère Morales

Défis et paradoxes de l’expérience bolivienne

Hervé Do Alto

Perçue comme le débouché politique naturel du cycle de contestation sociale antilibérale qui a agité la Bolivie depuis la fin des années 1990, la victoire d’Evo Morales a fait naître, auprès du mouvement altermondialiste notamment, des espoirs de rupture avec le modèle capitaliste néolibéral. Cependant, la construction d’une telle alternative économique est largement contredite dans les faits par une politique économique volontiers néo-développementiste et rentière. Cet article explore les causes d’un tel « consensus productiviste », en analysant particulièrement la configuration partisane que donne à observer le Mouvement vers le socialisme (MAS), la formation de Morales, le rôle paradoxal qu’y jouent ces organisations sociales, ainsi que le poids d’une telle configuration sur les possibilités d’élaboration de politiques publiques « post-libérales », dans le domaine de l’énergie notamment.

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n°43-44 – 2012 – 04

Des entre-soi « cosmopolites » aux sociabilités intenses ?

Enquête sur l’individualisation paradoxale de la pratiques sportive dans un club bruxellois

Sylvain Laurens

La notion d’entre-soi est fréquemment utilisée en sociologie pour désigner des espaces de sociabilité relativement fermés vis-à-vis de l’extérieur et dans lesquels les couches supérieures seraient à même de faire fructifier un capital social rare. A partir d’une enquête sur un club de loisirs bruxellois situé au cœur du quartier européen, cet article prend pour objet le cas paradoxal d’un entre-soi sans sociabilité intense et où la coupure vis-à-vis de l’extérieur semble être le vecteur principal d’adhésion. Mêlant en son sein plusieurs fractions des classes dominantes internationalisées, l’Omnium Club propose en effet un exemple limite d’un espace de sociabilité relativement fermé mais dans lequel prévaut une forme d’individualisme voire une forme de compétition à travers la valorisation d’une pratique sportive très individualisante.
A travers cet exemple, l’article développe ainsi une réflexion plus générale sur l’utilisation – sous un mode routinisé – de la notion d’entre-soi et propose d’arrimer cette notion à une réflexion systématique sur les usages sociaux dominants de ces espaces protégés que les sociologues sont parfois amenés à enquêter.

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n°43-44 – 2012 – 03

Les Banquiers centraux européens, acteurs centraux de la « révolutions néolibérale »

Frédéric Lebaron

A partir du premier semestre 2012, les discours économiques publics apparaissent de plus en plus contradictoires en Europe : alors que certains commentateurs (par exemple les journalistes du Financial Times ou, plus encore, nombre d’économistes nord-américains) dénoncent de plus en plus ouvertement l’effet récessif durable des politiques d’austérité et réclament une politique « de croissance » qui ne se réduirait pas aux seules « réformes structurelles », d’autres acteurs, en premier lieu gouvernementaux, continuent quant à eux d’insister sur l’urgence d’un rééquilibrage à court-terme des comptes publics et sur la nécessité impérative de libéralisation des économies européennes.
Dans cette lutte symbolique de plus en plus aigüe tout au long de l’année 2012, qui traverse simultanément le champ politique, économique et l’univers académique, les dirigeants de la Banque centrale européenne occupent une position clé : depuis 2009, sous l’impulsion notamment des banquiers centraux allemands (comme le membre du directoire Jürgen Stark qui finira par quitter ses fonctions devant l’ampleur de ses désaccords avec l’institution) révulsés par le basculement des politiques monétaires dans des stratégies dites « non conventionnelles » (notamment le rachat de titres de la dette publique grecque puis des pays périphériques) et par la fragilisation de la zone euro induite par la crise de la dette, ils sont aux avant-postes dans la revendication d’une politique d’ajustement structurel qui peut seule, selon eux, permettre à l’euro de rester une monnaie solide, suscitant la confiance des acteurs économiques.
Le rôle des banquiers centraux européens dans l’imposition des politiques d’austérité et de réformes structurelles fait d’eux les acteurs de premier plan de cette « révolution néolibérale », née dans les années 1970-80, qui semble par ailleurs s’essouffler dans la plupart des pays du monde sous l’effet de la crise financière et de la remise en cause des dégâts de la mondialisation.

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