n°47-48 – 2015 – 10

LA NOTION DE CAPITAL SOCIAL DANS L’ŒUVRE DE PIERRE BOURDIEU

REMI LENOIR

Dès sa première conceptualisation par Bourdieu, la notion de capital social désigne l’espèce de capital propre au « groupe en tant que groupe », expression de Durkheim auquel il se réfère plus particulièrement à son propos. Ce qui se rapproche le plus de cette notion quelque peu mystérieuse et de la « solidarité mécanique » qui la définit, est la famille traditionnelle telle qu’il l’a observée en Kabylie et au Béarn ainsi que, dans les sociétés dont la division du travail social est plus développée, les « grands corps » qui caractérisent, selon lui, l’organisation, en France, des fractions des classes dominantes, aussi bien celles qui sont dominées (par exemple, les « agrégés », les « normaliens » dans le champ universitaire) que celles qui sont dominantes (les inspecteurs des finances, les conseillers d’état dans le champ économique et la haute fonction publique).
Suivant Bourdieu, dans les fractions dominantes des classes dominantes se cumulent les effets de la solidarité « mécanique » ou par « similitude », et ceux de la solidarité « organique » qui les lient entre elles, notamment par une sociabilité rationnellement « organisée », pour reprendre son expression. Depuis ses recherches menées sur les fonctions sociales du système d’enseignement et les stratégies de reconversion des différentes fractions des classes dominantes, la notion de capital social se complexifie et tend à prendre un sens nouveau, les conditions sociales de possibilité de cet effet n’étant réunies, selon Bourdieu, que dans les fractions dominantes de la classe dominante…

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n°47-48 – 2015 – 11

LA DOMINATION MASCULINE ENCORE

ROSE-MARIE LAGRAVE

La publication de La domination masculine a suscité colères réactives et lectures enchantées, laissant place, toutefois, à une réflexivité critique plus distancée. Pour mettre au jour les contradictions, paradoxes et malentendus à propos de cet ouvrage, on se propose de procéder à un double déplacement : restituer les effets du contexte scientifique de la décennie 1990/2000 sur la production de cet ouvrage et sur les controverses à son propos ; analyser ensuite ce que les justifications avancées par Bourdieu pour répondre aux critiques doivent à son déni de détenir un privilège masculin, et à sa position d’outsider dans l’espace académique de la cause des femmes.

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n°47-48 – 2015 – 12

EN QUEL SENS LA SOCIOLOGIE DE PIERRE BOURDIEU PEUT-ELLE ÊTRE DITE CRITIQUE

LOUIS PINTO

La dimension critique en sociologie n’est pas une option parmi d’autres. Elle est constitutive de la démarche de toute science et de la visée d’objectivité qui lui est inhérente. Si le propre de la science est la mise en évidence et le dépassement des apparences (des apparences de savoir) en tant que telles, il s’agit dans le cas spécifique de la sociologie de comprendre ce qui fait la force sociale de ces apparences. Loin de toute arrogance scientiste, la critique est simplement l’exercice par lequel le sociologue se comprend lui-même comme point de vue dans l’espace des points de vue, seule façon d’en surmonter les limitations. S’en remettre aux vertus d’une description « naïve » de l’expérience primordiale est encore une forme de leurre scolastique fondée sur l’illusion de transparence et d’accès immédiat au réel. On se propose ici d’explorer trois des cibles principales de la posture critique : la raison scolastique, les savoirs indigènes, la domination symbolique.

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n°47-48 – 2015 – 13

Spatialiser Pierre Bourdieu En Algérie :

Terrain social, terrain d’enquête, terrain de guerre

André Rapini

Ce document propose une cartographie des enquêtes algériennes de Pierre Bourdieu. En suivant dans plusieurs sources les traces de cette expérience fondatrice d’une approche originale, une première carte croise la trajectoire de Bourdieu sur le sol algérien avec ses prises de position à propos de la «situation» et de la guerre coloniale. Une deuxième carte situe les différentes étapes de la recherche sur les travailleurs et les centres de regroupement dans les principaux événements de la guerre.

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L’EN-DEÇÀ POLITIQUE DANS L’ŒUVRE ALGÉRIENNE DE PIERRE BOURDIEU OU LES TROIS COMBATS DU JEUNE PIERRE BOURDIEU

CHRISTIAN DE MONTLIBERT

L’étude propose de voir dans « l’œuvre algérienne » de Pierre Bourdieu trois manières de voir et de faire différentes – bien qu’imbriquées- toutes inspirées et animées du désir de s’opposer aux préjugés et aux prénotions tant populaires que savantes de l’époque. Soit un premier combat contre l’ignorance de la variété et de la richesse des cultures qui demande un regard sensible aux différences ethnologiques et historiques, un deuxième combat scientifique qui exige de mener des études de terrain dans les villages, dans les villes et dans les camps de regroupement et qui oblige à un affrontement aux théories les plus avancées à ce moment dont la phénoménologie existentialiste et la rationalisation structuraliste sont les meilleurs représentants, un troisième combat enfin, plus politique, qui conduit, en s’appuyant sur les travaux scientifique, à prendre position sur les manières de vivre et de penser à-venir des groupes sociaux en confrontant souhaitable, possible et probable.

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n°47-48 – 2015 – 15

Retour sur l’Algérie au temps des camps de regroupement

Souvenirs d’un étudiant enquêteur dans l’équipe Bourdieu-Sayad

Jacques Budin
s’entretien avec Tassadit Yacine

Jacques Budin, alors élève en classe préparatoire au lycée du Parc à Lyon, a fait partie de l’équipe de Bourdieu qui a enquêté sur les centres de regroupements de la presqu’île de Collo à l’été 1960. Nous l’avons rencontré chez lui, à Aix en Provence. Il nous raconte comment il a rencontré Bourdieu et Sayad, il y a plus de cinquante ans, en Algérie.

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n°47-48 – 2015 – 17

L’ESPACE GÉOGRAPHIQUE COMME « CHAMP REPRÉSENTATIONNEL » :

LES REPRÉSENTATIONS SOCIO-SPATIALES DE STRASBOURG

PIERRE DIAS & THIERRY RAMADIER

Cette étude aborde les représentations spatiales de la ville en cherchant à montrer que les trajectoires sociales sont tout aussi importantes que les positions sociales pour comprendre comment se construit et s’organise leur contenu. En s’appuyant sur les représentations de Strasbourg, cette recherche a pour objectif, d’une part de faire le lien entre des modèles théoriques de la psychologie sociale et de la sociologie à partir d’une hypothèse qui leur est commune, à savoir que les structures cognitives sont aussi des principes générateurs de prises de position dans la structure sociale. D’autre part, elle cherche à montrer que cette homologie structurale s’applique également à l’espace géographique, un objet plus souvent abordé sous un angle cognitiviste, subjectiviste ou culturaliste quand il s’agit de considérer sa dimension spatiale (et non uniquement ses significations), évacuant d’emblée l’existence d’un « champ représentationnel » autour de la ville. Pour éprouver cette hypothèse, nous avons réalisé une enquête par questionnaire auprès de résidents d’un quartier pavillonnaire strasbourgeois. L’analyse de la structure des représentations recueillies a permis d’identifier quatre groupes de représentations différentes. Ensuite, une description sociodémographique de ces groupes a montré que les liens entre la structure sociale et la représentation de l’espace urbain reposent fortement sur les trajectoires sociales intergénérationnelles des résidents. Ces résultats montrent que la représentation de la ville n’est ni qu’un simple « outil cognitif » émanant d’un « sens de l’orientation » au service des pratiques, ni, à l’inverse, qu’une trace psychologique des « expériences » urbaines antérieures. Ce sont des objets psychologiques qui (se) construisent et (s’) organisent (à partir de) la structure sociale depuis l’histoire sociale de la personne notamment.

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